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C’est aujourd’hui devenu une banalité que de souligner à quel point la complexité s’est invitée au cœur du monde des affaires, qu’elles soient privées ou publiques. Dans les années 90, les entreprises ont commencé à s’intéresser aux outils de l’approche systémique afin de savoir comment intégrer la complexité dans leur mode de management. Toutefois, excepté dans les discours et les bonnes résolutions à la sortie de conférences ou de séminaires, en quoi notre manière de voir le monde a t-elle réellement évolué ? En quoi nos comportements ont changé ? Comment est-ce que les pratiques managériales en ont tenu compte ? Quels nouveaux outils avons-nous mis en place, si ce n’est des systèmes de gestion intégrée générant pour les salariés moins de marge de manœuvre et le sentiment d’être plus sous-contrôle. La multiplication des indicateurs et reporting de tous ordres ont assurément fait le bonheur des Sociétés de Services et d’Ingénieries Informatiques mais a provoqué une réduction de la valeur ajoutée au travail, de nouvelles formes de stress, une démotivation progressive des salariés y compris des cadres, une détérioration des relations de collaboration… et tout cela pour une efficacité très incertaine.

La crise économique que nous connaissons aujourd’hui témoigne - et résulte - de cette nouvelle complexité du monde. Tous les systèmes complexes, nous disent les scientifiques, génèrent de l’imprévisibilité, de l’incertitude, de l’instabilité, de la soudaineté. Le nez collé sur la multitude de nos tableaux de bords et obsédés par les résultats financiers à court terme, les responsables d'entreprise épprouvent de plus en plus de difficultés à prendre suffisamment de hauteur pour voir venir les tsunamis économiques et sociaux, alors que les signaux faibles existent et pourraient être détectés.

Les outils de management ont bien entendu leur utilité tant que l’on ne les instrumentalise pas et que l’on ne perd pas de vue les finalités qu’ils servent. Mais ce que notre époque nous montre clairement, c’est qu’ils s’avèrent de plus en plus insuffisants. Nous commençons à toucher aux limites de bon nombre de nos systèmes et en premier lieu celui de notre système de pensée. Comme souvent, la prise de conscience est lente et laborieuse d’autant que nos réussites passées entretiennent l’idée rassurante que nous suivons la seule voie possible, la rationalité à outrance, alimentant ainsi et sans trop de difficultés de profondes résistances. Pourtant à bien y regarder, on peut s’apercevoir que la démarche analytique de notre mental (analyser signifie décomposer un ensemble en éléments plus simples) n’est plus suffisante pour relever les défis « des temps hypermodernes » pour reprendre les termes du philosophe contemporain Gilles Lypovetski.

Edgar Morin est l’un des plus grands penseurs contemporains de la complexité. Dans l’un de ses ouvrages de synthèse, il rappelle que depuis des siècles la construction de notre savoir scientifique repose sur un mode de simplification de notre rapport à la réalité. « Nous vivons sous l’emprise des principes de disjonction, de réduction, et d’abstraction dont l’ensemble constitue ce que j’appelle le « paradigme de simplification ». Descartes a formulé ce paradigme maître d’Occident, en disjoignant le sujet pensant (ego cogitans) et la chose étendue (res extensa) c'est-à-dire philosophie et science, et en posant comme principe de vérité les idées « claires et distinctes », c'est-à-dire la pensée disjonctive elle-même. Ce paradigme qui contrôle l’aventure de la pensée occidentale depuis le XVIIe siècle, a sans doute permis les très grands progrès de la connaissance scientifique et de la réflexion philosophique ; ses conséquences nocives ultimes ne commencent à se révéler qu’au XXe siècle ».

L’activité mentale consistant à dissocier, c’est-à-dire l’analyse telle que nous la pratiquons régulièrement, s’avère mal adaptée pour penser les systèmes complexes. En effet, on ne peut appréhender le complexe sans considérer les nombreux liens qui caractérisent son organisation, la nature des interactions entre ses sous parties et tout le réseau de ses imbrications. Percevoir et décrire de manière logique, séquentielle et mécaniste la diversité et la multitude des faisceaux d’un système complexe, faisceaux porteurs de flux d’énergie, de matières ou d’informations - qui plus est, pour la plupart invisible - s’avère quasi-impossible avec nos concepts habituels.

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Le développement exponentiel de la puissance des microprocesseurs des systèmes d’informations explique en grande partie cette fulgurance de la complexité de ces 20 dernières années : grâce à la puissance technologique, de nouvelles communications ont pu s’établir à travers toute la planète, lesquelles ont généré de nouveaux besoins, en particulier celui de prendre en compte toujours plus de paramètres dans les processus de gestion et de décision. A leur tour, ces nouveaux besoins ont exigé plus de puissance de calcul. Ainsi, en voulant maîtriser la complexité, les technologies la développent encore davantage, en créent de nouvelles d’un ordre supérieur dépassant de loin le seul cercle des machines électroniques mais s’étendant aux comportements des individus et à l’organisation de la société. Que ce soit au sein d’une entreprise ou au niveau de la surface de la terre, les réseaux de communications échappent à tout contrôle créant de la sorte un monde de relations non identifiables et parallèles à toute structure de pouvoir.

Une des façons de concevoir la complexité d’un système est d’adopter une position « méta », c’est à dire de porter sur lui un regard extérieur, se le représenter en une globalité et rechercher ce qui fonde son unité. Dans son livre « Manager dans la complexité » Dominique Génelot, PDG du Groupe INSEP - société de conseil en Direction d’entreprise- écrivait déjà en 1992 : « Un système se caractérise par sa complexité et par l’impossibilité de l’enfermer dans des descriptions analytiques classiques. Pour rendre compte des systèmes complexes les représentations habituelles ne suffisent plus. Il faut recourir à des images, des métaphores qui portent en elles-mêmes une représentation de la totalité du système plus signifiante que ne le serait une description analytique (…) Ce recours à des images et représentations qui font volontiers appel à l’intuition et aux associations d’idées peut surprendre des cerveaux dressés pendant de longues années d’études à des approches plus rationalistes. C’est un obstacle à dépasser si l’on veut se mouvoir aisément dans les concepts très féconds de la systémique » .

L’étude des astres procède exactement de cette logique. Elle fonctionne par métaphores, elle obéit à une loi des correspondances (l’homme est le microcosme du macrocosme), elle procède par analogie (la Table d’Emeraudes des hermétiques affirmaient que ce qui est en haut est comme ce qui est en bas). Complémentaire aux démarches analytiques classiques, son utilisation des symboles poly-sémantiques lui permet de rendre compte du complexe parmi les complexes : l’être humain. Mais l’astrologie dont il est question ici, on le verra tout au long du livre, n’a pas grand chose à voir avec celle que les médias veulent bien nous montrer. Ici, pas question de prévision sur la manière dont les « Taureau » manageront leur équipe la semaine prochaine, ni de savoir si les « Cancer » seront plus performants grâce à une rencontre imprévue avec une nouvelle collègue. Cette pratique des horoscopes discrédite et trahit l’astrologie véritable qui ne peut prévoir le destin de millions d’individus nés sous le même signe. Elle est d’abord un outil de représentation qui vise à donner du sens aux expériences humaines.
S’il est vrai que l’activité de management des hommes n’a jamais été une chose facile, on doit admettre qu’à notre époque de nombreux paramètres rendent l’exercice encore plus délicat. Le besoin de nouveaux outils de compréhension se fait clairement sentir et je suis convaincu que l’ « outil astrologique » peut clairement y trouver sa place.