Au commencement…

Selon la théogonie d’Hésiode, Gaia, la Terre émergea du Chaos, le vide, le rien, le néant. Puis ce fut  au tour de l’Eros-primordial d’être engendré, une énergie de jaillissement propre à faire croître et surgir les êtres. Enfoui dans les abîmes les plus profondes de GAIA se situait le Tartare, un endroit privé de toute lumière, humide et terrifiant. La résidence des morts, des dieux vaincus ou punis.

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D’une manière vivante et plus adaptée à notre époque, voici comme Luc Ferry (dans « La sagesse des mythes » Apprendre à vivre 2.  Plon. 2008) reprend le mythe de la création du monde, la théogonie d’Hésiode. Nous reprenons ici quelques extraits : 

« Sous l’impulsion, sans doute, de l’énergie d’Eros, Gaïa va engendrer toute seule, sans avoir de mari ni  d’amant, à partir de ses propres profondeurs et de ses propres forces, un formidable dieu : Ouranos. Ouranos, c’est « le ciel étoilé » qui, situé au dessus de la terre (à vrai dire étendu, pour ne pas dire couché sur elle), est comme le double céleste de Gaïa. Partout où elle se trouve, partout, donc, où il y a de la terre, il y a aussi de l’ « Ouranos », du ciel, placé en surplomb. Un mathématicien dirait que ce sont des ensembles d’une extension parfaitement identique : pas un centimètre carré de Gaïa auquel ne corresponde le même centimètre carré d’Ouranos. (p55)(….)

Ouranos, le ciel, n’est pas encore « en haut » au firmament, semblable à un gigantesque plafond, il est au contraire arrimé à Gaia, comme une seconde peau. Il la touche, il la caresse partout et sans cesse. Il est s’il on peut dire, collant au possible ou pour être tout à fait clair : Ouranos ne cesse de faire l’amour à Gaïa, de coucher avec elle. C’est sa seule activité. Il est « monomaniaque », obsédé par une seule et unique passion, la passion érotique : il n’arrête pas de couvrir Gaia, de l’embrasser, de se fondre en elle et, conséquence inévitable, il lui fait une tripoté d’enfants. (p 58)( ….)

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Ouranos déteste ses enfants : les douze Titans autant que les Cyclopes et les Cents bras. Il leur voue une véritable haine. Pourquoi ? Sans doute parce qu’il craint que l’un d’eux ne prenne sa place et lui vole, non seulement le pouvoir suprême, mais aussi celle qui est à la fois sa mère et sa femme à savoir Gaïa. Voilà pourquoi Ouranos couvre tant et si bien Gaïa qu’il empêche ses enfants d’en sortir et de voir le jour. Il ne leur laisse aucun espace, pas le moindre interstice par lequel ils pourraient sortir du ventre de leur mère. Il les relègue au plus profond de la terre, dans les régions chaotiques du Tartare, justement, ce que les enfants ne lui pardonnent pas. Et pas davantage Gaïa, qui, grosse de toute cette descendance, n’en peut plus de retenir en elle ses fils et ses filles comprimés ! Elle s’adresse donc à eux et les pousse à la révolte contre ce terrible père qui les empêche de s’émanciper, de prendre leur envol et de grandir. Et même,  au sens propre comme au sens figuré, de voir le jour. Cronos, le dernier né entend l’appel de sa mère qui lui propose de mettre au point un terrible stratagème contre Ouranos, son propre père : avec le métal en fusion qui est dans ses entrailles, au creux des sous-sols les plus profonds, Gaïa fabrique une serpe. L’instrument est bien tranchant et, précise Hésiode, «  dentelé ». Gaïa l’offre à Cronos qu’elle invite tout bonnement à trancher le sexe de son père !

 

Et le récit de la castration d’OURANOS est précis. Il va dans les détails car ces derniers possèdent des conséquences « cosmiques » c'est-à-dire des effets décisifs sur la construction du monde : s’emparant de la faucille en fer, Cronos attends son père, si j’ose dire, au tournant. Celui-ci comme à son habitude, enveloppe Gaïa et en en elle : Cronos en profite pour saisir, de la main gauche le sexe de son père et il le tranche d’un coup sec. Toujours de la main gauche, il jette par-dessus son épaule le malheureux organe encore tout sanguinolent. » (p 62-63)

 

aphrodite botticelli

Quelques gouttes de sang d’Ouranos  se répandent sur la terre et dans les mers. De ces gouttes naissent quatre nouvelles divinités : les trois premières, sont la Haine, la Vengeance et la Discorde. La dernière en revanche est Aphrodite, déesse de la beauté, de la douceur, de la tendresse, des sourires, de la séduction et de la passion amoureuse. Lorsqu’elle sort de l’eau, à Chypre selon Hésiode, elle est accompagnée de deux autres divinités : Eros et Iméros (le désir).

 

 

Ainsi naissent l’espace et le temps :

 - L’espace : Ouranos, sous l’effet de la douleur s’enfuit le plus « haut possible » libérant ainsi l’espace qui sépare le ciel de la Terre.

- Le temps : Grâce à l’espace ainsi libéré, les Titans peuvent enfin sortir de Terre. L’avenir s’ouvre devant eux. De nouvelles générations voient le jour. La vie et l’histoire peut  commencer.